"medames et messieurs, ici votre commandant de bord...nous commençons notre descente sur Tananarive, veuillez regagner vos sieges et boucler votre ceinture...
il est 7h heure locale,la temperature au sol est de 12°C, le ciel est couvert, il pleut..."
le ton est donné.
tout semble mort à part quelques petites fourmis qui sortent mollement des maisonettes,encore engourdies de la nuit dans la lueur des ampoules "économies d'énergie 10w" et du soleil levant
il faudra 6h de route pour rejoindre Tananarive à Antoetra, petit village typique du pays Zafimaniry à l'est de Madagascar
la nuit est tombée, il est 18h...il fait froid, il bruine...
l'air est penetrant, saturé d'humidité, les corps fument de condensation...
demain, lever 6h pour le grand trek de 8 jours...
6h, frais, dispo, de bonne heure, de bonne humeur...j'ouvre les volets de la maison du chef du village et là...
le ciel est bas, blanc et épais...la pluie fine n'a pas arreté de la nuit deception on ne voit pas à 10m
la marche commence dans ce climat tendu et glacial. tendu car pas un seul arbre ne dépasse du sol seuls, quelques buissons ou petite eucalyptus se découpent fébrilement dans le brouillard...
ça et là, la terre est désolée, portant les stygmates d'un feu purificateur et destructeur...
morose
déçu
je marche à contre-coeur
mais soudain...un ilot perdu, préservé de végétation...le premier depuis trois heures de marche
la pluie s'est arretée, une force inconnue a levé le rideau du ciel qui s'est fait plus lumineux et moins bas
une petite composition melée de fougeres arborescentes, de bambous endémiques et quelques arbres de foret primaires dépasse de la montagne pelée,tondue comme grignottée par je ne sais quel ruminant monstrueux
hormis ce petit coin de verdure, tout est rabotté, nu, brulé
c'est tellement mort que j'en ai la gorge serrée...
serrée de voir à quel point la nature souffre de la présence humaine
serrée d'avoir payé la peau du fion pour ne pas voir le moindre carré de foret primaire...
et aucun animal en vue, le silence est quasi-parfait si il n'était pas entrecoupé de "salama", "salamééé", "salamo", "salamoeu" prononcés par les villageois qui portent tout à dos d'homme;riz,rhum,eau,bois etc...
là bas, pour un européen, la vie est rude...même pour un malgache
pas d'eau, pas d'électricité, pas d'arbre pour se chauffer ou faire la cuisine ou les maisons recemment détruites par le cyclone Ivan
les Zafimaniry sont des gens courageux, gentils et tres, tres généreux
je ne compte pas le nombre de fois où je surprends dans une phrase lancée à l'encontre d'un porteur et ami du guide "bibilava" ou encore "tanalay"
le mot serpent et caméléon en malgache...
mon guide demande à toute personne vivante (ou mortes, oui... il demande même aux ancetres tres présents chez les malgaches) si il y a des serpents ou caméléons
mais rien, pas le moindre insecte, pas le moindre reptile
"il fait trop froid", "ce n'est pas la saison" "ils sont dans les trous"...
mais où...
quel carnaval lorsque je tombe sur une grenouille ou une mante religieuse...
Ptychadena mascareniensis
j'arrive en fin de journée par un beau ciel et un sacré soleil sur un magnifique village entouré de rizieres
perdu au milieu de nulle part et personne
au loin, la foret se devine...
le sourire revient
je vous ai parlé de ma tourista?
la nuit dans ce village est magique...
elle va conditionner mon voyage pour la suite
je fais la rencontre d'un personnage presque étrange...
le vieux Racoutou Manuel...le doyen du village, celui qui décide de tout, qui parle avec les ancetres
à la lueur des bougies, dans sa maison enfumée nous buvons du rhum local avec les ancetres (qu'il était le seul à sentir mais bon...)
mon guide lui fait part de ma déception de n'avoir vu le moindre bout de foret
qu'à cela ne tienne, demain, il sera notre guide et nous changeront de chemin
de la foret? je vais en voir... enfin...
le lendemain, Manuel Racoutou en tête, sandalettes en plastique rose aux pieds le voilà qui galope entre les rizieres gorgées d'eau machette à la main..
au détour d'un virage en altitude, le spectacle enfin...
la foret, sombre, dense...vraie mais pas d'animaux