Hybride, phase, mutation ou sélection non naturelle
On va devoir aborder quelques points de génétique, si vous n'y connaissez rien, vous pouvez jeter un oeil
LA : la génétique pour les nulsLes mutations.Une mutation est une modification du génome*, c'est à dire une modification sur un des gènes de l'organisme.
Les mutations se produisent en permanence tout au long de la vie d'un individu, et de façon tout à fait naturelle. La plupart du temps, elles affectent les cellules du corps et pas toutes à la fois, donc elles n'ont que peu d'impact au niveau de l'individu, même si localement au niveau de la cellule, elles peuvent empêcher la production d'une protéine par exemple.
Concrètement, il s'agit d'une modification d'un bout d'
ADN ou d'un ajout avec un morceau d'ADN qui vient se greffer dans la
séquence* d'un
gène* existant. Ce petit bout peut soit changer la valeur qu'exprime le gène (par exemple normalement le gène donne des ongles noirs, et là la mutation donne les ongles rouges), soit rendre carrément le gène illisible (elle rajoute tout un livre de Kant dans la recette de la tartiflette).
Seule une infime partie des mutations naturelles se produit dans des cellules particulières, les
gamètes*, qui sont des spermatozoïdes ou des ovules et forment donc un nouvel individu, porteur massivement de cette modification (dans toutes ses cellules, puisque la mutation a touché une cellule de départ qui a été copiée ensuite).
Là encore, seule une partie de ces mutations a un effet visible, même si elles concernent toutes les cellules de l'organisme.
Parmi ces mutations, certaines ont enfin un effet globalement plutôt positif, qui confère à son porteur un "avantage reproductif", c'est à dire que son porteur va se reproduire plus efficacement, soit parce qu'il survit plus longtemps, séduit mieux ses partenaires, a une meilleure descendance (plus nombreuse et/ou plus robuste) etc. c'est un avantage statistique : il a juste plus de chances de mieux se reproduire que ses congénères. Donc, la mutation a juste plus de chances de se transmettre et de se répandre dans la population, au niveau global, que le même
gène* non muté.
Ce principe est le principe de base de l'évolution telle qu'on la comprend maintenant : des mutations complètement aléatoires dans une population soumise à une pression environnementale qui fait que non pas "seuls les plus forts ou les mieux adaptés survivent" mais plutôt "
les plus fort ou les mieux adaptés ont de meilleures chances de survivre, se reproduire et voir leurs caractères se répandre dans la population". C'est la fameuse
sélection naturelle.
Mais il y a aussi des mutations, tout aussi naturelles que les autres, qui elles, confèrent un désavantage par rapport à la sélection naturelle : être albinos par exemple. Pour les animaux à poils ou plumes, elle n'a pour inconvénient que d'être plus visibles par les prédateurs, car les poils ou les plumes blanches renvoient mieux le soleil, donc pas de problème spécifique par rapport aux UVs, contrairement aux humains ou... aux reptiles...
Cas des mutations létales : ces mutations entraînent la mort de l'individu avant sa naissance. Deux copies de cette version mutante du gène (ou
allèle*) sont "nécessaires" pour entraîner la mort de l'individu si l'allèle est récessif, mais une seule copie suffit pour entraîner la mort si l'allèle est dominant. Dans ce dernier cas, comme l'individu meurt avant la naissance, la mutation n'est pas transmise.
Une mutation peut aussi être soit
dominante*, soit
récessive*, soit
co-dominante*.
Qu'est-ce que c'est que tout ça ?
Un peu de génétique c'est
ICI : la génétique pour les nuls En clair (merci Akwakwak) : Mutation : abréviation de mutation génétique, modification ou réduction des pigments, voire des formes, 2 têtes, 6 pattes, sans écailles, etc.. Elle peut être naturelle: - albinisme, melanisme, anerythristique,... ou provoquée par l'éleveur: - leatherback, scaleless, etc...
Phase: en terrario ce terme est souvent utilisé à la place de mutation visible portant sur la morphologie de l'animal. Devrait plutôt s'employer, si l'on voulait faire une différence, pour des mutations souhaitées par l'éleveur, sélectionnées, fixées par croisements consanguins provoqués non naturels. Se retrouvent le plus souvent chez les espèces les plus courantes en terrario : Elaphes, pogos, EM, PR etc...
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Les phasesContrairement à ce que son nom peut laisser penser, une "
phase" en terrario n'est pas une coloration particulière momentanée d'un reptile ou d'un amphibien.
Ce qui est appelé
phase dans le langage terrariophile c'est en fait
une mutation apparue en élevage, visible et portant sur la morphologie de l'animal (couleur intensifiée, épines moins nombreuses...) et
que les éleveurs ont réussi à "fixer", c'est à dire à faire réapparaître dans l'élevage et à la tracer dans les lignées, par
sélection non naturelle. Quelque rares mutations qu'on voit en élevage, comme l'albinisme, ou le mélanisme, peuvent apparaître dans le milieu naturel, mais les phases, dans leur immense majorité, sont des mutations qu'on ne trouve qu'en élevage.
Pourquoi faut-il "fixer" une phase? Parce que ce n'est pas parce qu'on a un Boa albinos dans une portée que ses descendants le seront, car cette mutation est
récessive*...
Une mutation peut très bien apparaitre "de nulle part", c'est à dire que les parents ne sont pas porteurs de cette mutation, c'est juste leur spermatozoïdes et ovules qui ont eu un accident...
Dans ce cas-là, croiser l'albinos avec ses frères et soeurs ne permettra pas de fixer la mutation, c'est à dire d'obtenir une lignée d'albinos, tout simplement parce qu'aucun dans la lignée de cet albinos ne porte le gène.
Souvent, quand-même, le problème est présent dans la portée, et donc en croisant le mutant avec ses frères et soeurs ou père et mère, on obtiendra à nouveau des albinos.
Même pour les mutations à caractère dominant ou co-dominant, les éleveurs cherchent souvent, par reproductions consanguines, à obtenir une phase plus prononcée, plus extrême etc, ou tout simplement "voir ce que ça donne" (exemple : les
regius spider).
C'est donc déjà cette première chose qu'on reproche aux "phases" : dans l'immense majorité des cas, on fixe une phase par des croisements consanguins. Et ça, ça augmente aussi le risque qu'on fixe autre chose que ce caractère, une maladie par exemple, un dysfonctionnement, une fragilité.
En effet, le reproduction sexuée est faite pour créer de la variété, afin d'avoir toujours, au sein d'une population, des
génotypes* suffisamment variés pour qu'au moins certains soient mieux armés pour résister à une nouvelle maladie, un nouveau virus etc. C'est ça, très exactement, la fameuse "biodiversité" dont on nous parle tout le temps.
C'est tout ce système qu'on met en défaut avec la consanguinité. Bien sûr, là c'est dans nos élevages, mais le principe biologique est le même, donc on peut dire qu'on restreint la biodiversité dans nos élevages.
Dans ce sens, une phase est donc fixée par
sélection non naturelle, par les éleveurs et non par la pression de l'environnement sur la population.
Les phases extrêmes, que l'on refuse ici parce qu'elles ont un impact direct sur la santé des animaux, sont d'ailleurs interdites par la loi : Article R214-23 Modifié par Décret n°2008-871 du 28 août 2008 - art. 1 :
La sélection des animaux de compagnie sur des critères de nature à compromettre leur santé et leur bien-être ainsi que ceux de leurs descendants est interdite.
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Attention, il ne faut pas confondre
phase et
localité ou encore
sous-espèce...
La sous-espèce est le 3e terme qu'on trouve parfois dans le nom latin des êtres vivants. Il s'agit de différences morphologiques la plupart du temps, éventuellement comportementales, au sein d'une même espèce. Par exemple
Salamandra salamandra salamandra et
Salamandra salamandra terrestris sont deux
sous-espèces de l'espèce
Salamandra salamandra. La première est appelée sous-espèce nominale (c'est celle qui a servi à décrire l'espèce), alors que
S. s. terrestris s'en différencie par des taches jaunes qui ont tendance à former des lignes dorsales (alors que chez S. s. salamandra, les taches restent isolées). Les 2 sous-espèces occupent aussi des aires de répartition un peu différentes, à l'intérieur de l'aire de répartition de l'espèce.
Pour
les localités, il ne s'agit pas tout à fait de sous-espèces, c'est simplement qu'on s'est aperçu que les individus prélevés dans telle ou telle localité avaient des
particularités (morphologiques voire comportementales) différentes (ex. les
Morelia viridis Sorong, Aru etc. sont des localités et pas des phases, de même que les
Furcifer pardalis Tamatave ou Nosy Be).
Les localités ont donc donné leur nom aux animaux. Ces
différences morphologiques sont certes portées par des gènes, et les individus sont souvent issus de population ayant
naturellement une consanguinité assez élevée (habitat isolé entraînant peu de brassage génétique, notamment pour les localités insulaires ou les animaux sédentaires), mais on ne peut pas parler de phases parce que le système de gènes leur conférant leurs particularités morphologiques ne sont pas compris, les gènes en question n'ont pas été repérés, souvent parce qu'il ne s'agit pas d'un seul gène muté mais de toute une série de gènes plus courants dans une population d'une localité que dans la population de la localité voisine.
De même, les différentes couleurs et les différents "patterns" observés chez une espèce comme
Rhacodactylus ciliatus ne sont pas non plus des phases, parce que ces variations existent déjà dans la nature, de la même façon qu'il y a des chats tigrés, des chats noirs, des blancs des tricolores etc au sein d'une même race de chats, voire d'une même portée. Bien sûr si on croise deux rhacos dalmatiens entre eux, il y a des chances qu'ils fassent des dalmatiens, mais le gène dalmatien n'a pas été isolé, pas plus que le gène "pinstripe", s'ils existent. Ce ne sont pas des mutations apparues en élevage mais des
variations naturelles au sein de l'espèce, qui est dite polymorphique.
Dans les tares génétiques on peut citer aussi l’
albinisme, qui est une
maladie génétique héréditaire qui touche les mammifères, les oiseaux, les poissons, les amphibiens et les reptiles, se caractérisant par un déficit de production de mélanine pouvant aller jusqu'à l'absence totale dans l’iris et les téguments (épiderme, poils et cheveux, plumes), malgré la présence normale de cellules pigmentaires.
Les albinos ont une vision déficiente et sont facilement sujets à des kératoses et cancers de la peau s'ils ne sont pas protégés du soleil.
L'albinisme ne doit pas être confondu avec le
leucistisme, qui est l'inverse du
mélanisme mais, contrairement à l'
albinisme, ne pose aucun problème
direct au niveau physiologique (des conséquences indirectes, comme d'être plus vulnérables dans la nature, se posent toujours).
Le leucistisme est dû à une absence de cellules pigmentaires, alors que dans l'albinisme, les cellules pigmentaires sont normalement présentes, la pigmentation anormale étant due à des
protéines manquantes ou déficientes sur la chaîne de fabrication de la mélanine ; les autres pigments ne sont pas altérés et peuvent, s'ils sont présents, colorer l'animal. La couleur des iris, produite par des cellules issues du tube neural, n'est pas affectée par le leucitisme.
Le
mélanisme n'est pas limité aux mammifères. Ni même aux vertébrés, d'ailleurs. Les formes mélaniques de papillons sont très connues et le mélanisme de la géomètre (phalène) du bouleau (
Biston betularia) est même un cas célèbre de sélection naturelle où la forme mélanique fut favorisée dans les régions industrielles durant le XIXe siècle en Angleterre, les bouleaux ayant noirci sous l'effet des fumées des usines à charbon.
Et les hybrides dans tout ça ??? Au sens biologique strict,
on appelle hybride un individu issu du croisement de 2 espèces différentes (mais assez proches sinon l'hybridation n'est pas possible). Exemple le mulet a pour parents un âne et une jument, le bardot un cheval et une ânesse etc. Les hybrides chats/chiens sont impossibles en revanche, ces espèces étant éloignées. Les hybrides sont stériles entre eux (c'est ce qui permet une définition du terme espèce, dont les représentants sont fertiles entre eux à chaque génération), et la plupart du temps également avec les espèces parentales.
Les hybrides existant à l'état naturel, ils sont plus ou moins rares : autant un zébrule (âne x zèbre) est assez rare, autant notre grenouille verte
Rana kl. esculenta (la grenouille qu'on a le droit de chasser) est issue d'un croisement entre
Pelophylax lessonae et
Pelophylax ridibundus. Il existe des populations stables de
Rana kl. esculenta, soit directement issues des espèces parentales, soient issues d'hybrides rétro-croisés avec une des espèces parentales.
En terrario, tenter de créer des hybrides est risqué, on ne connaît pas les exigences de la nouvelle génération, ni leur longévité.
Ce n'est pas parce que l'embryon a réussi à se développer, passant ainsi un premier filtre sélectif,
que l'adulte sera sain, dépourvu de tare ou de problème de santé.
S'il n'est pas stérile, et c'est curieusement souvent le cas en terrario, on risque aussi de perdre complètement la traçabilité dans l'élevage.On parle en revanche d'intergrade pour des individus issus de croisement entre sous-espèces, variétés, localités etc. au sein d'une même espèce (c'est biologiquement comparable aux bâtards, issu du croisements de 2 races dans les espèces élevées par l'homme). Par exemple, le croisement entre
Morelia spilota cheynei et
Morelia spilota mcdowelli donne des intergrades et pas des hybrides. Biologiquement, il n'y a pas de barrière, ces "intergrades" se trouvant naturellement par exemple là où les zones de répartition des 2 sous-espèces (définies comme telles par l'homme) se chevauchent.
A part la perte des caractères différenciant les sous-espèces parentales, il n'y a pas vraiment de conséquences pour l'animal en terrario. C'est souvent la base pour des mutations/phases. Ex: Morelias, Boas...
Par contre il peut s'avérer préjudiciable pour la biodiversité de noyer des lignées (et la traçabilité est plus difficile), souvent rares, voire disparues en milieu naturel. Il est vital pour la biodiversité de conserver les gênes sauvages d'une variété / localité en traçant les lignées pour assurer un bon brassage génétique. Il s'avère que bien des espèces ont été mal décrites et que des sous-espèces se trouvent relevées au rang d'espèce.
Enfin, coté Terrario, si l'animal est viable, on fait baisser la consanguinité, mais dans ce cas on se doit de l'annoncer clairement.Textes Fenchurch pour les Dragons d'Asgard* : Un
terme inconnu ?
ICI : la génétique pour les nuls